NE PAS RENTRER

 
 

Partie sur un tour du monde en solo en janvier 2020, je n’ai jamais connu les rues désertiques et les confinements de la COVID-19.
En mars 2020, je faisais partie des plus chanceux et des mieux placés au monde.

 

เกาะพะงัน

 

KOH PHA NGAN

9° 43' 54.75" N 100° 0' 48.935" E


Je suis partie le 4 janvier et j’en suis à mon quatrième pays. Après la Nouvelle-Zélande, le Japon et les Philippines, je me retrouve en Thaïlande. Je devais rejoindre le continent asiatique pour pouvoir continuer mon tour du monde. En passant par le Cambodge et le Vietnam, j’allais rejoindre la Chine et commencer à me diriger vers l’ouest.

J’étais en Nouvelle-Zélande quand j’ai entendu parlé de la COVID-19 pour la première fois. On me disait que les nouvelles parlaient sans cesse d’un virus et de la Chine… Je ne m’en préoccupais pas trop, déjà bien occupé par un voyage au pays des montagnes et des plaines sorties d’un rêve. Lorsque j’atteignis le Japon en fin janvier, je me souviens avoir pensé aux éventualités que cette contagion affecte mon voyage. Aux Philippines, en février, je n’en ai pas entendu parler durant un mois! Et puis, au mois de mars, lorsque le monde devint un silence de stationnement, je réalisais que j’étais là-bas, sur une île thaïlandaise. Isolée, loin de l’isolement. Dehors, plutôt qu’en dedans.


C’était mes proches, qui me disaient de revenir. Ma famille, mes amis, les gens qui suivaient mon voyage depuis déjà trois mois sur les réseaux sociaux. “Viens t’enfermer avec nous”. Je me souviendrai toute ma vie de ce qui passait à travers ma tête à ce moment-là. Il était hors de question que je change ce que le destin m’avait donné. Où il m’avait emmené. J’aurais pu être malchanceuse! Sorti trois mois plus tôt, et ce virus m’aurait fait voir mes rêves se faire engloutir pour des années… Toutes ces économies, toute cette préparation.

De toute façon, rentrer n’était même pas une option. La panique au puissant virus invisible avait propulsé les prix des vols d’avion. Chacun ne proposant que des ribambelles d’escales interminables dans les derniers pays qui n’avaient pas encore fermé les rideaux. Si c’était pour rentrer, j’aurais plutôt continué à faire le tour du monde sans même sortir du no man’s land des aéroports. Et puis, le 22 mars, la Thaïlande elle-même finit par donner une date. Dans 48 heures, il ne serait plus possible d’entrer, ou même de sortir, du pays. Assis dans un café, je sirote mon jus de mangue en lisant les nouvelles. C’était la poussée qui ne fait pas plus bouger l’escargot. Je n’allais pas courir. J’avais fini de m’enfuir, j’étais là où je devais être. En voyage.

 
 

En seulement quelques semaines, la Thaïlande se vida de son achalandage touristique. Ici, difficile de s’apercevoir de la crise virale qui affectait le monde. Les activités restaient plutôt les mêmes, sur Koh Pha Ngan. L’île ayant fermé ses entrées et sorties en bateau, il était confirmé que personne n’était infecté. Nous étions sur une bouée, flottant au milieu d’un monde bouleversé et bien chamboulé. Les locaux me racontaient à quel point l’île n’avait pas été aussi calme depuis longtemps. C’était comme il y a 50 ans, me disaient certains. Pas de pollution de bruit causée par les défilés de motos, pas de touristes tartinés sur les plages. Le silence. Le bruit des vagues.

J’avais pu me louer un bungalow avec un loyer mensuel très raisonnable et j’occupais mes journées en visitant l’île. Les plages, ses commerçants, les marchés de nuit. Ayant commencé mes cours de plongée pour accomplir mon Divemaster, je pouvais même continuer à aller sous l’eau. Je résidais au centre de plongée et j’étais entouré d’amis qui partageaient la même situation que moi. Certains qui étaient partis en voyage, d’autres qui vivaient déjà à l’étranger. Comme des voisins, comme une famille, on était réuni dans la situation la plus improbable de notre vie. Parfois à partager un bon repas, parfois à boire une bière devant chaque coucher de soleil qui fermait la journée.

 
 

Et j’ai ce souvenir, celui qui est probablement le plus beau que j’ai. Je flotte, près de la plage au nord de l’île. Ma veste de plongée encore gonflée, ma bonbonne d’air est à 180 barres. Je regarde ce qui m’entoure: eau turquoise et palmiers, cette belle montagne en arrière-plan. Je m’apprête à descendre sous la surface pour rencontrer à nouveau ce silence assourdissant que seule l’eau peut offrir. Et je réalise, je suis la personne la plus chanceuse au monde. Je flotte, littéralement, sur le littoral. Je vis ma passion du voyage et celle des fonds marins. Je suis entouré d’amis qui resteront toujours de la famille. La vie est belle, elle me sourit. Je vis.

 

Je suis resté cinq mois sur cette île. À me promener, à découvrir ses mille et un cafés, tous aussi bien accueillants les uns que les autres. À rencontrer ses beaux habitants d’une hospitalité incomparable. Ses forêts humides et vivantes de bruits sauvages. Ses temples merveilleusement bien construits au plancher de céramique qui, pied nus, donne l’impression d’être à la maison.

Je garde une place en or dans mon cœur pour ce que cette île m’a donné. Pour ces cinq mois à rester nu pieds. Je n’ai rien vu d’autre de la Thaïlande que Koh Pha Ngan. Je suis resté plusieurs mois à un seul endroit et j’en ai appris sûrement plus que si j’avais parcouru toutes les attractions du pays. Ce confinement m’aura montré qu’il vaut la peine de voyager lentement. Il faut savourer ce qui nous entoure, ne pas suivre ces choses dites de voir absolument. Rien n’est plus absolu que de vivre quelque chose d’unique et de s’y plonger. Laisser l’expérience éteindre les bruits, une vague à la fois, un mètre à la fois, jusqu’à voir qu’une seule couleur bleue. Celle de la vie, celle de la joie.

 
 
 

Moi, c’est Jaquie

Je suis passionnée de voyage depuis toujours et je souhaite dédier ma vie à l’exploration. Je voyage seule et je recherche toujours à pousser mes limites. J’aime les risques et je ne recule devant rien.

Photographe professionnelle de métier, j’ai pensé à commencer un blog pour partager mes expériences avec celles qui chercheraient aussi à partir voir le monde en solo.

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